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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 19:51

 

 

 

Au milieu de nulle part, 18 mars

 

A ma droite le bâtiment du Parc National.

A ma gauche l’auberge où je vais dormir la nuit prochaine, ainsi qu’un vieux 4*4.

Tout autour, des cailloux et des montagnes, à l’infini.

 

auberge

 

(les deux bâtiments sont à peu près au milieu de la photo. Vous ne lez voyez pas ? Bon d'accord, j'agrandis !)

 

Serafin, le guide de haute montagne rencontré à l’aller, vient m’accueillir. Il m’emmène à l’intérieur de l’auberge, où je rencontre la patronne, une bolivienne pure souche avec paire de tresses, chapeau, jupe traditionnelle et collants épais pour le froid. Je serai le seul client.

Serafin et moi discutons des préparatifs pour l’ascension du lendemain, heure de départ, quoi prendre dans le sac à dos, mon état physique, mon expérience de la randonnée, de la montagne, etc... 

Ce matin, je vais essayer de me reposer de la nuit précédente. Mais bon, difficile de fermer l’oeil à cette altitude (4400m)... Bon au moins, l’indigestion est terminée, je recouvre mes moyens et pars en milieu de journée faire un peu d’exercice. Je me dirige vers un volcan voisin, avec pour objectif d’habituer mon corps à l’exercice à cette altitude. Pas de maux de tête, mes jambes répondent bien mais évidemment la respiration est plus courte et il faut faire attention au rythme cardiaque qui s’emballe vite. Je fais néanmoins 600 à 700m de dénivelé, sans sentier, au milieu des cailloux, avec un vent fort. Le paysage se passe de commentaires...

 

Laguna Blanca

 

 

Un petit coup d'oeil au programme de demain :

 

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Une touffe d'herbe (désolé m'man pour mon ignorance de la botanique), il faut bien que les vigognes puissent casser la dalle de temps en temps !

 

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Je me fais plaisir en descente, puis reviens à l’auberge. Le reste de la journée s’écoule tranquillement, pas un véhicule n’est passé depuis 11h. Je me repose, mais cependant une question me taraude : réussirai-je l’ascension demain ? 1300m de dénivelé, de 4600m à 5916m, c’est quelque chose. Bon, on verra bien, je suis quand même confiant.

 

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En attendant, il faut prendre des forces : j’engloutis un énorme plat de pâtes que la taulière a préparé. Elle me prépare également une infusion d’une herbe bolivienne nommée pupuso (dans mes souvenirs en tout cas), pour m’aider à bien dormir.

 

Et ça marche ! Je dors enfin une nuit complète de 22h00 à 04h30 du matin, quel bonheur ! Le réveil est en revanche glacial (l’auberge n’est évidemment pas chauffée). J’enfile ma seconde peau (haut et bas, type damart), et le reste de vêtements soigneusement préparés la veille (on ne rigole pas, svp !!!). Dehors, le 4*4 peine à se réchauffer. En attendant, Serafin et moi prenons café et petit déjeuner à la frontale (électricité fournie seulement en cas de besoin réel par un petit groupe électrogène à l’extérieur). Puis, c’est parti ! A la lueur des phares, nous longeons la Laguna Blanca, puis la Laguna Verde par une vague piste abominable jusqu’à arriver au pied du Licancabur.

 

06h, nous laissons le 4*4, et commençons l’ascension, éclairés par nos lampes frontales. Les premières lueurs du jour nous permettent de voir des ruines, témoins du passage des incas dans le coin il y a quelques siècles. Apparemment, c’était un lieu de transhumance pour leurs lamas, et le sommet du volcan était également utilisé pour des sacrifices humains, en offrande aux dieux. Bon j’espère que je ne ferai pas partie du lot !!! Le petit sentier monte progressivement, je prends un rythme tranquille, mais régulier. Le soleil s’est levé et nous arrivons à côté d’une petite croix. Un regard interrogateur au guide, qui me raconte que c’est une femme qui a trop forcé dans l’ascension, le sang est monté au cerveau et boum, raide morte ! Hum, bon, c’est gai !!! Des croix comme ça, nous en verrons trois tout au long de l’ascension...

 

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Première pause après environ 500m de dénivelée, et une heure et quart d’ascension. Le rythme est bon, tout va bien ! Boire, s’alimenter, et c’est reparti. La pente se durcit et le rythme cardiaque s’accélère... Je réduis donc l’allure, je ne tiens pas à avoir une croix à mon nom ici, même si la vue est tout bonnement splendide !

Deuxième pause une heure plus tard, 300m plus haut. La bonne nouvelle : on a grimpé plus de la moitié ! Reste 500m...

 

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Je commence à faire des petites pauses par ci par là pour calmer le palpitant. Je me fixe comme limite 3 pulsations pour une respiration, ce qui doit correspondre à 180bpm. Garder un rythme, le plus régulier possible...

Troisième pause 3/4 d’heure plus tard, plus que 300m. A partir de maintenant, le sentier est recouvert de neige. La pente est également de plus en plus raide. Nous n’avons pas de crampons, mais la neige n’est pas trop dure et nous pouvons facilement tailler des marches. Enfin facilement... Chaque mouvement est maintenant pénible, et donner un petit coup de chaussure dans la neige avant de poser le pied double l’effort... Le rythme en prend donc un coup ! Le guide commence à me demander comment je vais, que si je n’y arrive pas, il faut mieux redescendre, qu’il ne tient pas à ce que je lui claque entre les pattes. Il veut également que nous arrivions avant 11h30, car après le vent se lève et peut devenir dangereux.

Petit à petit, nous continuons... La pente devient franchement raide et pour éviter toute glissade involontaire, nous passons par les rochers, et nous voilà à faire quelques passages d’escalade ! Un coup d’oeil en dessous : mieux vaut ne pas tomber, une glissade de quelques centaines de mètres, arrivée directement dans les éboulis... Tout ça commence à entamer un petit peu ma confiance, et le guide le voit. Il me propose à nouveau de redescendre : il me remboursera, l’argent lui est égal, il préfère ça que de devoir remonter installer une nouvelle croix ! Curieusement, son petit discours m’a remonté le moral ! Je vais y arriver, bon dieu de bon dieu ! Je repars, en contrôlant toujours mon rythme. L’expression «mettre un pied devant l’autre» n’a jamais été aussi proche de la vérité ! Je trouve un nouveau rythme : 4 pas dans la neige, une pause de deux secondes, 4 pas dans la neige. Serafin me montre un rocher un peu plus haut : nous ferons la dernière pause à cet endroit.

Je reprends mon souffle, mange un paquet de biscuits, et c’est reparti ! Quelques mètre plus haut, la pente diminue soudainement, et j’aperçois enfin le sommet, tout près !

 

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Quelques minutes plus tard...

nous y sommes !!!!!!!!!!!  

Pffffffffiiiouuuuuuuuuuuuuu.........

 

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5916m !!!

Nous sommes apparemment les premiers à faire l’ascension depuis quelques semaines. Il fait à peine froid, car nous sommes en plein soleil, mais il n’y a pas de vent. Au fait c'est un volcant !! A quoi ça ressemble ? Des flammes, du magma, du soufre, un tunnel jusqu'au centre de la terre ? ou bien des enfants qui courent dans l'herbe en buvant de la volvic (après tout, c'est un volcan éteint, et j'ai réussi à être réveillé ce matin) ?? Rien de tout ça !!! Au fond du cratère, un petit lac d’une cinquantaine de diamètre, bien évidemment gelé. Le lac le plus haut du monde, apparemment... La vue est tout bonnement incroyable, l’atmosphère indescriptible... Je resterais bien un petit moment à profiter, mais il nous faut redescendre avant que le vent ne se lève. Petite séance photo donc, encore un coup d’oeil, puis nous entamons la descente. 

 

Depuis le Licancabur

 

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Pendant les premiers mètres, sans crampons, face à la pente, je fais attention à chaque pas. Le guide me met ensuite en confiance en me montrant que la neige a une consistance permettant de l’attaquer et la maîtriser. Et nous voilà à dévaler de plus en plus vite, en maîtrisant les glissades et en slalomant entre les rochers. Au fur et à mesure que la pente s’adoucit, celà se transforme carrément en ski ! Planté de bâton, virage, glissade, planté de bâton, virage... Nous commençons même à faire la course...

 

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Sauf qu’il faut quand même que je m’arrête de temps à autre pour reprendre mon souffle ! Sérafin a bien vu que je suis maintenant en pleine confiance et me provoque un peu : «Sans clients, je mets normalement trois quarts d’heure à descendre...» Du tac au tac, je lui réponds que si on était à des altitudes plus raisonnables et que je n’avais pas à reprendre mon souffle, je devrais probablement l’attendre... Il rigole et nous repartons. La course continue de plus belle, que ce soit dans les pierriers ou la neige. Ayant vu une belle coulée de neige de quelques centaines de mètres (le tout petit "c" en bas à gauche de la photo ci-dessus - on dirait pas, comme ça que ça fait plusieurs centaines de mètres !), je choisis l’option ski plutôt que pierrier, et je le dépasse ! Je l’attends avec un sourire en coin en bas, en reprenant mon souffle. Nous rigolons, puis il reprend la descente : il veut prendre de l’avance pour réchauffer le moteur. Je reste encore un peu à profiter du paysage, puis termine la descente. J’arrive à la voiture 5 minutes après lui. Licancabur, ça, c’est fait !!! Je suis ravi, sourire radieux ! Fier aussi j'avoue ! Bon, je m'la pète une bonne fois et j'arrête !

Bilan : 1300m de dénivelé, 05h30 de montée, 1h15 de descente !

 

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Nous reprenons le 4*4 et rentrons à l’auberge. Je lui offre une petite bière pour fêter ça et le remercie chaleureusement. Il ne tarde pas à repartir, car il doit préparer l’ascension  d’un autre volcan pour le lendemain. Bon c’est pas le tout, mais il faudrait penser à redescendre à San Pedro, et vu le trafic, c’est loin d’être gagné ! Je demande leur avis aux gardiens du Parc. D’après eux, quelques véhicules sont susceptibles de passer en fin de journée. Je passe donc l’après-midi à me reposer en attendant.

La tenancière me dit au revoir (au cas où), car elle part laver du linge au lac. Je vais discuter de nouveau avec les gardes, quand tout à coup, quelques kilomètres plus loin, j’aperçois de la poussière : une voiture !! Je retourne à l’auberge récupérer mon sac et là, surprise : la porte a claqué avec le vent, impossible de l’ouvrir ! Non !!! Je reviens aussi sec voir les gardes, en train de faire leur comptes, et leur demande s’ils ont une clé. Le chef me fait signe : tranquiiiiille ! Bon OK, il doit avoir la clé et m’ouvrira quand il aura fini. Je patiente, mais les deux véhicules finissent par arriver ! Un des chauffeurs accepte de m’emmener, je cours demander au garde de m’ouvrir, mais, de mauvais poil, il me dit qu’il n’a pas la clé !!!! Rhaaah !!! Quand je ressors, les deux véhicules sont partis... C’est trop bête !!!!

J’en aperçois un troisième au loin... Ma dernière chance pour aujourd’hui peut-être !!! Je fais le tour de l’auberge, en espérant trouver une porte ou une fenêtre ouverte, mais rien !!! Et la tenancière est à 2 kilomètres, pas moyen de courir pour aller chercher la clé (si elle l’a !!!). J’enrage en regardant passer le troisième véhicule. Je retourne demander de l’aide au garde, mais rien à faire... Bon, il n’y a pas moyen, je vais redescendre ce soir. Je refais le tour de l’auberge en poussant toutes les fenêtres et finis par en trouver une petite, en hauteur, qui est mal fermée. Oui !! Je me faufile comme je peux à l’intérieur, attrape mon sac à dos, et pars bille en tête à pied par la route. J’espère vaguement que les véhicules qui sont passés prendront une pause longue à la frontière... Je n’ai pas idée du nombre de kilomètres, je me souviens qu’en à peine quelques minutes de voiture ça se fait. Me voilà donc avec mes 20 kgs sur le dos, à marcher au milieu de nulle part le plus vite possible à 4400m d’altitude, après une grosse ascension ! Parfois je me dis que j’ai un grain...

Je croise un par un les 3 véhicules qui sont passés, et qui ont déposé leurs passagers à la frontière. Peut-être que les véhicules chiliens descendant les passagers à San Pedro sont encore là, sait-on jamais... L’espoir fait vivre !

Au bout de 3 kilomètres, je vois un petit van arriver dans le sens contraire. Tiens, qu’est-ce qu’il vient faire là ? Le meilleur moyen, c’est de demander ! Je lui fais signe, et il s’arrête dans un nuage de poussière. Il va chercher des clients à l’entrée du Parc et redescend ensuite à San Pedro ! 5000 pesos ? Ca marche !!! Je monte à l’avant, calé entre le chauffeur et le douanier bolivien qui accompagne le véhicule. Me revoilà donc à l’entrée du Parc où, effectivement, deux 4*4 sont arrivés, déposant toute une bande de touristes italiens. que nous embarquons illico. Finalement 6 kilomètres séparaient l’auberge de la frontière, 6 kilomètres que j’aurais dû parcourir en sens inverse si j’étais arrivé à la frontière et qu’il n’y avait eu personne pour me redescendre... Mais ce n’est pas le cas ! Je suis euphorique, blague avec les douaniers pour tamponner mon passeport, et nous continuons par cette interminable ligne droite en descente pour San Pedro, avec "mon" Licancabur sur la droite.

 

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Au poste frontière chilien, j’utilise ma carte d’identité chilienne pour entrer dans le territoire, ce qui n’est pas sans poser de problème : je devrais avoir en ma possession un petit papier disant que je suis sorti du territoire pour revenir. Oui mais voilà, je suis sorti en tant que français ! Le douanier se gratte la tête, me dit qu’il devrait appeler son chef. Je lui dit que sans doute, son chef devra appeler son chef... Il se gratte la tête de nouveau... Bon, «Adelante !». Passez ! Et me voilà donc au Chili en tant que chilien !!!

En arrivant à San Pedro, je file prendre mon billet de bus pour le lendemain, et retourne à l’hôtel où nous avions séjourné quelques jours auparavant. Je m’offre ensuite un bon repas pour fêter l’ascension, puis rentre me coucher, épuisé. Quelle journée !!!

 

Les videos de l'ascension : CLIQUER ICI

 

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